Chronique

Hypothèque : moins vous empruntez, plus ça coûte cher

Vous avez peu de dettes, des actifs importants, une bonne discipline financière ? Désolée, vous n’êtes pas le client préféré des prêteurs hypothécaires qui préfèrent les consommateurs qui empruntent de grosses sommes.

Démonstration : un propriétaire débarque à sa caisse populaire pour contracter une hypothèque qui représente seulement 40 % de la valeur de sa maison. L’homme s’imagine qu’il aura le meilleur taux en ville, puisqu’il est un excellent client, pas trop risqué, capable de payer plus de la moitié de sa maison comptant.

Eh non ! Pour avoir droit au meilleur taux, il faudrait qu’il donne une mise de fonds moins élevée et qu’il accepte d’emprunter davantage, lui explique la caisse après avoir analysé son dossier.

C’est le monde à l’envers : moins on emprunte, plus ça coûte cher !

Même si la différence de taux n’est pas énorme, certains clients verront là une incitation au surendettement. Mais évidemment, les consommateurs qui empruntent davantage que leurs besoins pour décrocher un meilleur taux d’intérêt se leurrent. Ils ont peut-être l’impression d’économiser de l’argent parce que le taux est plus faible, mais les intérêts versés seront plus élevés. Au final, ça leur coûtera plus cher.

« Si vous empruntez davantage juste pour obtenir un meilleur taux, c’est une mauvaise raison », insiste Denis Doucet, porte-parole du courtier hypothécaire Multi-Prêts.

TAUX GRADUÉS

Pour vous donner une idée des différences de taux, regardons la grille de Desjardins dont les taux varient selon le montant du prêt. Plus vous empruntez, plus le taux baisse. Pour un terme de 53 mois, vous pourriez obtenir un taux de 2,74 % pour une hypothèque supérieure à 200 000 $, soit 10 points de base de moins qu’avec une hypothèque inférieure à 200 000 $.

Jusqu’en janvier dernier, Desjardins avait même des taux encore plus avantageux pour les prêts supérieurs à 300 000 $.

Pourquoi cette gradation ? Simple question d’économie d’échelle, répond André Chapleau, porte-parole du Mouvement Desjardins. « Les coûts administratifs sont les mêmes, peu importe le montant de l’hypothèque. Ça nous laisse une plus grande marge de négociation sur les gros prêts », dit-il.

Plus l’hypothèque est élevée, plus le client est payant. Et donc plus le prêteur est disposé à réduire son taux d’intérêt.

ASSURÉ, NON ASSURÉ

D’autres institutions exigent un taux d’intérêt plus élevé lorsque le prêt hypothécaire n’est pas assuré.

Je vous rappelle que les acheteurs qui ont une mise de fonds inférieure à 20 % de la valeur de la maison sont obligés d’acheter une assurance prêt hypothécaire (p. ex., de la Société canadienne d’hypothèques et de logement) qui protège le prêteur contre un éventuel défaut de paiement du client. Avec un prêt assuré, le risque de la banque est donc très limité.

De leur côté, les acheteurs qui ont une mise de fonds supérieure à 20 % n’ont pas à payer de prime d’assurance. Toutefois, leur taux d’intérêt sera un peu plus élevé (de 5 à 10 points de base). À la Banque Laurentienne, par exemple, vous obtiendrez un taux de 2,89 % pour un prêt non assuré de cinq ans, par rapport à 2,79 % pour un prêt assuré.

« Un client qui a une mise de fonds importante [plus de 20 %] représente une probabilité de défaut moindre. Par contre, s’il y a un défaut de paiement, la sévérité de la perte pour la Banque est plus importante », explique la porte-parole de la banque, Carine Salvi.

L’HYPOTHÈQUE PLANCHER

Par ailleurs, la plupart des institutions imposent un seuil de prêt minimal. En dessous de ce montant, elles ne vous prêteront même pas. Parfois, le plafond s’applique sur certains types d’hypothèques, d’autres non, au sein de la même institution.

Sur certains prêts, Manuvie n’accepte pas d’hypothèques inférieures à 100 000 $, la Banque Scotia, la Banque Laurentienne et l’Industrielle Alliance n’iront pas en bas de 50 000 $, tandis que Desjardins arrête à 25 000 $ et la Banque TD à 20 000 $.

En conséquence, lorsque votre hypothèque tombe en dessous de 50 000 $, il devient de plus en plus difficile d’aller voir ailleurs, parce que les autres prêteurs ne vous trouveront pas tellement intéressant. Votre marge de négociation auprès de votre prêteur s’en trouve donc diminuée.

Remarquez, ce n’est peut-être pas la fin du monde : « S’il vous reste juste cinq ans avant de rembourser votre hypothèque au complet, 80 % de vos paiements vont au remboursement du capital », évalue M. Doucet.

Mais ce n’est pas une raison pour rester les bras croisés si votre institution financière vous offre un taux peu concurrentiel lors de votre renouvellement.

Pour obtenir un taux décent, menacez de transporter chez le concurrent tous vos comptes de banque, de placements, de cartes de crédit.

Autre option : greffez une marge de crédit à votre hypothèque. Cela encouragera peut-être votre banque à vous faire un meilleur taux. Mais vous n’êtes pas obligé de l’utiliser.

D’ailleurs, plusieurs banques insistent pour que les propriétaires ajoutent une marge de crédit à leur hypothèque. Leur argument : si vous avez besoin de l’argent plus tard, vous n’aurez pas à repasser chez le notaire. C’est vrai.

Mais ce qu’ils oublient souvent de dire, c’est qu’au lieu d’un acte de prêt conventionnel, la marge de crédit nécessite un acte de garantie hypothécaire, qui n’est pas transférable dans une autre institution financière, à moins de repasser chez le notaire.

Autrement dit, vous serez menotté. Jamais trop bon pour négocier.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.